Du projet à la BD…
Vous pouvez écrire le scénario complet avant de travailler avec un dessinateur pour le présenter à un éditeur. Mais, à mon sens, c’est assez risqué. Car il est possible que vous passiez du temps à l’écrire mais qu’au final les maisons d’édition ne montrent pas l’intérêt que vous escomptiez à la lecture de votre projet. Plus pragmatique, je vous conseille de trouver une idée, de la développer par écrit pour savoir où vous voulez aller, de trouver un dessinateur qui pourra la mettre en image et d’écrire d’abord les premières planches pour montrer de quoi vous êtes capable (CF présenter un projet BD).
Le processus d’écriture est un peu différent de celui d’un support audiovisuel. En effet, ici on va devoir réfléchir en terme de pages. Lors de sa conception, vous pouvez vous aider en réalisant un « brainstorming », ou tout autre technique, pour stimuler votre créativité. Les recherches et les notes sont bien souvent nécessaires afin de maîtriser son sujet et éviter de construire des choses qui ne tiennent pas. Certains auteurs réalisent par exemple une frise chronologique (ou ce que l’on appelle un « chemin de fer ») afin de placer dans le temps (voire dans l’espace) des événements et des personnages qui ont lieu dans l’histoire et ainsi éviter les incohérences dans le développement du scénario. De même l’utilisation d’un séquencier, c’est à dire une succession de séquences résumées, peut s’avérer utile car il les énumère, les unes à la suite des autres, du début jusqu’à la fin d’un album. En général, on y précise le nombre de pages nécessaires à chaque séquence, ce qui est une aide précieuse par la suite dans la réalisation du découpage par planche. Certains auteurs vont même jusqu’à placer de pages de storyboard sommaire ou des post-it sur un mur ou un tableau afin d’organiser leur scénario de manière physique, devant eux. On peut même envisager d’utiliser un code couleur (scènes d’action, scènes autour d’un personnage…).
Tout au long du processus d’écriture, il est conseillé de prendre des notes. Que l’on mène un projet ou plusieurs de front, il important de tout noter : une idée de personnage, une réplique de dialogue, un élément de background… On dit souvent qu’une bonne idée reste, même si on ne la note pas, et que celles qu’on oublie n’étaient finalement pas si bonnes. C’est possible mais lorsqu’on note tout, et que l’on laisse décanter plus ou moins longtemps, on s’aperçoit qu’une première idée peut en amener une autre, meilleure. Et si les idées sont nombreuses, une des premières tâches consistera donc à en faire le tri, à s’appuyer sur ce qui est bon et à essayer de comprendre ce qui ne fonctionne pas.
Une bonne bande dessinée, c’est d’abord la rencontre entre une histoire intéressante et un dessin qui la met en valeur. Il y a un point très important à ne pas oublier, comme il s’agit d’un support graphique, il vaut mieux décrire les décors, les personnages, les dialogues et les actions de telle façon que le dessinateur puisse les retranscrire sur le papier, dans des cases. Néanmoins, vous pouvez aussi choisir une description simplifiée pour laisser une certaine marche de manœuvre à l’artiste et ne pas brider sa créativité naturelle.
Le story-board est une étape importante dans la réalisation d’une BD et il peut arriver que le scénariste mette la main à la pâte pour aider le dessinateur dans l’élaboration de celui-ci. Cela lui permet d’apporter sa vision de ce qu’il convient de garder ou non et si le tout est compréhensible. Il peut être accompagné d’une description assez précise de ce que l’on peut trouver dans chaque case de la planche, pour aider le dessinateur dans son futur travail. Même s’il arrive que le scénariste propose un storyboard, c’est plus souvent le dessinateur qui le réalise. Cette étape va permettre de vérifier que les deux partenaires se comprennent. De plus c’est l’occasion pour le dessinateur d’ajouter ou de modifier des éléments et d’en discuter pour améliorer les transitions et le rendu final. Du point de vue du scénariste, cela permet d’avoir une vision globale de la planche qui permet de contrôler la narration, évidemment, mais aussi de mettre les dialogues en scène et de procéder à certains ajustements (répétitions, enchaînements de répliques qui finalement fonctionne plus ou moins bien…).
Une BD c’est aussi une succession de cases et de pages dessinées (appelée « planches »). Il y a donc une notion importante en bande dessinée, C’est la technique que les anglo-saxons appellent le « page-turning », c’est-à-dire qu’il faut donner l’envie au lecteur de tourner la page (impaire) afin de connaitre la suite de l’histoire. C’est pourquoi, il convient de prévoir des éléments qui attisent la curiosité comme des moments de suspense, à la fin de cette page de droite.
Outre les cliffhangers (points cruciaux de l’intrigue, qui peuvent laisser un personnage dans une situation difficile, voire périlleuse), le scénariste dispose également des ellipses pour ne pas ennuyer le lecteur. En effet, une bande dessinée n’est pas animée (sinon il s’agit d’un film d’animation ou d’une BD interactive). Il lui faut donc donner l’impression de mouvement sans devoir décomposer l’action au fur et à mesure des cases, pour éviter tout temps mort.
Pour conclure, je vous dirais qu’il existe différentes techniques et méthodes d’écriture dont vous pouvez vous inspirer mais qu’au final, c’est à vous de choisir vos propres outils pour écrire le scénario dont vous avez toujours rêvé et qui vous ouvrira, à n’en pas douter, les portes du succès.
Pour en savoir plus…
Découvrez les réponses à la question sur leur méthode de travail des scénaristes Aurélien Ducoudray, Dobbs, Sylvain Runberg, Philippe Pelaez ou encore Luc Brunschwig ainsi que d’autres Auteurs, dans la rubrique auteurs de BD.
Il existe de nombreuses façons d’écrire un scénario. Philippe Pelaez, scénariste prolifique et généreux avec qui j’ai pu échanger pour la rubrique auteurs de BD, a accepté de vous mettre à disposition un exemple de scénario BD entièrement découpé. Il s’agit du découpage de son album Quelque chose de froid, premier tome de la série « Trois touches de Noir », écrit en octobre 2021 et paru le 06 mars 2024.
Voici quelques livres, pour approfondir vos connaissances sur comment écrire un scénario de bd. Je ne reçois aucune rémunération pour les mettre en avant. Je vous les présente parce que je les ai lus et que je pense qu’ils peuvent aider à s’améliorer dans les méthodes de construction d’un scénario ou plus globalement d’un projet (BD).
Deux autres livres sur le même thème, que je suis en train de lire…
Merci également à Chobert BD, Arison Sword, Jeremy Foire, Abdoul-saleck Orou Gani et Sleven Cage pour leur soutien dans ma démarche.