Jamais

Il ne faut pas se fier aux apparences !!!
Madeleine, petite dame un peu frêle est en fait une redoutable mémé au caractère bien trempé qui habite sur une falaise de Troumesnil en Normandie. Elle a acheté cette maison avec son mari pécheur disparu en mer, il y a quelques années. La falaise menaçant de s’effondrer à cause de l’érosion dû au temps et aux éléments, le maire essaye de trouver des subterfuges pour l’envoyer vivre ailleurs afin de se « couvrir » juridiquement et de la protéger, bien malgré elle. Ah, petit détail qui peut avoir son importance, Madeleine est aveugle de naissance…
 
Une fois n’est pas coutume, cette année, j’ai décidé de changer de méthode de mise à jour pour ce blog. D’une part, je vais essayer de parler un peu plus des nouveautés qui m’ont plu. Même si je continuerai en parallèle à lire et à donner mon avis sur des BD qui peuvent dater et que je découvre (ou redécouvre) au fur et à mesure. D’autre part, dès que j’aurais terminé d’écrire une chronique, je n’attendrai pas de la mettre à la une avant de la publier. Je commence donc tout de suite les bonnes résolutions de 2018, en vous parlant de « Jamais » qui vient tout juste de sortir, à la mi-janvier.

 
La composition très aérienne de la très belle couverture laisse augurer un récit plein de tendresse et de poésie. D’ailleurs, la première fois que je l’ai vu, je ne sais pas pourquoi mais j’ai cru que le personnage principal de la vieille dame était de dos en contemplation devant quelque chose d’énorme, alors qu’en fait elle est juste sur une plage, face à la mer et l’horizon. Mais, pour moi et mon imagination, je voyais déjà le Mont Saint Michel poindre derrière les nuages. Ayant lu le pitch de cette BD, je savais que l’action se déroulait dans un petit village (créé pour l’occasion) se situant sur la côte d’Albâtre (entre Honfleur et Dieppe) donc pas tout à fait au même endroit que le Mont. Seulement, comme le dit ma compagne, « on y voit ce que l’on a envie d’y voir ». Et cela m’a fait me dire qu’une couverture qui transportait ailleurs par la pensée ne pouvait que donner une BD intéressante.
 
L’histoire, de cette petite grand-mère qui résiste envers et contre tout pour garder ses souvenirs, est très plaisante et plutôt bien construite. Le scénario met en exergue des dialogues bien sentis et certaines réparties de Madeleine sont assez caustiques. Cela donne un récit humoristique qui fait également la part belle à l’émotion. Les personnages bien qu’un peu caricaturaux sont sympathiques et attachants. Que ce soit notre héroïne quelque peu caractérielle ou le pompier bienveillant qui vient d’être muté de Saint-Denis, ou même le maire irascible qui a finalement bon fond, tous les personnages obtiennent l’adhésion du lecteur. Bruno Duhamel s’amuse à mettre en place toute une galerie de personnages au service de la comédie et de l’émotion. Car oui, cette BD n’est pas qu’humoristique ! Elle parle aussi de sujets plus touchants comme le fait que ne soit pas forcément pour embêter tout le monde que Madeleine ne veut pas quitter sa maison… Mais cela, je vous laisse le découvrir.

 
Le format de 56 pages est court pour un récit complet mais à la lecture, on s’aperçoit qu’il est suffisant. L’auteur laisse tout de même entendre qu’il y aura peut-être une suite en écrivant fin avec un point d’interrogation à la place du i, sur la dernière planche de l’histoire. Cela devrait dépendre du succès commercial de l’album, de l’avis des critiques et des lecteurs mais aussi et surement de l’envie de l’artiste et de son imagination. Car bien que Madeleine soit attachante, il faut trouver une idée originale pour continuer ses aventures sans que l’on ait l’impression de tourner en rond.
 
J’ai découvert Bruno Duhamel avec l’excellente BD Le Retour et ce nouvel album ne m’a pas du tout déçu par rapport au précédent. Son coup de crayon semi-réaliste est plutôt rond et caricatural pour les visages ce qui donne une certaine expressivité aux protagonistes. Ses traits sont néanmoins plus réalistes lorsqu’il s’agit de dessiner les décors et les costumes. Cela nous donne de très jolis paysages qui mettent en valeur la Normandie dont l’artiste est originaire. Le découpage des planches est relativement classique car il oscille entre 2 et 3 bandes, cela permet à l’auteur de nous proposer des cases suffisamment grandes pour les très beaux décors. Les couleurs sont, quant à elles, plutôt douces sauf lorsque le temps se gâte et où elles deviennent électriques.

 
Dans la première édition, on peut découvrir un cahier graphique de 8 pages avec des photos et des illustrations qui nous livrent différentes recherches que ce soit pour les personnages ou les paysages. On peut y découvrir que pour créer le village imaginaire de Troumesnil, l’auteur s’est inspiré d’un village existant.
 
Enfin, je ne sais pas s’il s’agit d’une initiative de l’auteur ou de la maison d’édition mais sur les premières pages de la BD (juste avant le titre) on peut trouver un lien vers une bande son composée par Cédric Lawde et disponible sur différentes plateformes. C’est ce que l’on appelle du contenu transmédia, il me semble. Une expérience, à la fois intéressante et originale, laissée à l’appréciation de chacun. En effet, je n’ai écouté que des extraits de moins d’une minute trente sur iTunes et bien que j’ai apprécié les titres électroniques composés, j’avoue qu’ils m’ont davantage fait penser à Blade Runner qu’à Madeleine et son petit village de Troumesnil.